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jeudi 20 novembre 2014

Cours d'Histoire #1 : La Dictature Militaire

Un peu d'Histoire, ça ne fait pas de mal, et surtout ça aide à comprendre pourquoi l'Argentine en est là aujourd'hui. Je vais commencer par vous raconter une des phases les plus sombres qu'à traversé le pays il n'y a pas si longtemps, entre 1976 et 1983, et qui, aujourd'hui encore, continue de hanter ses habitants.

Un des présidents les plus célèbres d'Argentine s'appelle Juan Domingo Perón, connu pour avoir amélioré les conditions de travail des ouvriers et pour sa femme devenue une légende, Eva Perón, morte à 33 ans d'un cancer.  Après la mort de sa femme adorée, Monsieur s'est remarié, et après être lui-même décédé, c'est sa nouvelle femme, María Estela Martínez de Perón, qui a pris le pouvoir. Première Présidente féminine de l'Histoire, elle n'était malheureusement pas très efficace et s'est faite rapidement éjecter le 24 mars 1976 lors d'un coup d'État mené par un groupe de militaires de droite. Leur objectif était d'en finir avec les communistes et les "subversifs", c'est-à-dire ceux qui s'opposaient au gouvernement, que ce soit de manière violente ou pacifique. Ils ont donc mis en place un Processus de Réorganisation Nacional, en clair un véritable Terrorisme d'État pour chasser et tuer tous les opposants. Les militaires interdisaient tout type de protestation social et ont transformé la structure économique du pays afin que cela bénéficie à l'élite et, bien sûr, pour pénaliser les ouvriers et la classe populaire en générale. Les militaires avaient un plan définit en quatre étape : séquestration, torture, détention et désaparition. Avec ce plan, ils ont violé les droits de l'Homme en séquestrant toutes les personnes qui s'opposaient à leur gouvernement, en tuant des milliers d'innocents et ils en sont même arrivés au point de voler les bébés des opposants pour les donner à des familles de militaire, "convenables" et "capables de les éduquer comme il faut". Les militaires se déguisaient en civil pour aller arrêter les opposants chez eux ou dans la rues. Il les emmenaient ensuite dans des centres de détentions illégales où ils les torturaient pour avoir des informations sur les groupes d'opposants, et finissaient généralement par les tuer et les enterrer dans des fosses communes. 

Des militaires enlevants un "subversifs"

La Dictature s'est terminé en 1983, suite à la guerre des Malouines. Le Royaume Uni et l'Argentine se disputaient ces îles dans le Sud du Pacifique. Après une guerre courte mais sanglantes, c'est Le Royaume Uni qui l'emporte, laissant le gouvernement militaire affaibli. Finalement (je vous la fait courte car moi même je n'ai pas tout compris à cette partie là de l'Histoire), les militaires n'ont pas eu d'autre choix que de mettre en place des élections pour nommer un nouveau Gouvernement, démocratique (ou presque) cette fois-ci, en octobre 1983.

"Dehors les Anglais de Malouines, nous reviendrons !"

Aujourd'hui encore on ne sait pas exactement combien de victimes il y a eu, mais l'organisme des droits de l'Homme estime qu'il y a eu environ 30.000 morts et des centaines de milliers d'exilés. On est loin des 6 millions de juifs exterminés pendant la Seconde Guerre Mondiale mais quand même, ça fait réfléchir non ? Comment peut-on arriver à de telles violences juste parce que certains ne sont pas d'accord avec les idées du groupe au pouvoir ? J'ai été assez choqué de cette partie de l'Histoire, dont je n'avais jamais entendu parler. C'est vrai ça, il y a eu un véritable génocide et personne n'en parle ailleurs dans le monde. Avant de venir en Argentine je n'étais pas du tout au courant de ce qu'il c'était passé il y a moins de 40 ans. À l'école on nous rabâche chaque année l'Histoire de la première et seconde guerre mondiale, et en cours d'Espagnol la dictature de Franco, mais ce genre de conflit n'est-il pas tout autant important à connaître pour avoir une vision plus précise et plus réaliste du monde dans lequel nous vivons ? J'en ai parlé à mes parents et grands-parents et ils m'ont dit que pendant la dictature et un peu après ils en parlaient dans les médias, mais aujourd'hui plus rien. Les nouvelles générations comme moi ne sont pas du tout au courant de ce qu'il s'est passé en Argentine. Ba non c'est trop loin et c'est le tiers monde alors ça intéresse pas l'éducation nationale vous voyez...

J'ai été également choquée de voir comment les Argentins transmettent cette partie de leur histoire aux futurs générations. Dans le cadre d'un de mes cours, je suis allée visiter un centre de détention près de Córdoba, La Perla. À part une frise chronologiques et des portraits des victimes, le centre est vide. Les guides, fils et filles de disparus, racontent l'Histoire d'un point de vue très subjectifs sans jamais aborder le thème de la torture. En gros, ils ne racontent pas réellement ce qu'il s'est passé et ne le montre pas non plus. Je comprend que c'est dur pour eux de revivre cette phase sombre de l'histoire mais si personne le fait, qu'est-ce qui empêchera que cela recommence ? Pour moi c'est en affrontant le passé qu'on apprend de ses erreurs et qu'on évite de les commettre de nouveau. 


Dortoir de La Perla

Il n'est pas rare également qu'en regardant les infos, on voit une grand-mère retrouver son fils, bébé disparu durant la dictature militaire. Les mères et grands-mères dont on a enlevé les enfants ont crée une association, "Madres y abuelas de Plaza de Mayo" (Mères et grands-mères de la place de Mai), le nom venant du fait qu'elle se réunissaient sur la place en face de la maison du gouvernement à Buenos Aires. N'ayant pas le droit de manifester, elles se contentaient de marcher en rond autour de cette place pour signifier leur portestation. Elles ont également crée une banque d'ADN afin de recenser tous les ADN des mères et enfants disparus. C'est grâce à cette banque que, sur les 500 enfants enlevés pendant la dictature, 107 ont pu être retrouvés. La plupart disent qu'ils n'étaient pas au courant d'avoir été enlevés, la famille dans laquelle ils ont grandit les ayant élevé dans le mensonge. Un documentaire très intéressant en français, Argentine, les 500 bébés volés de la dictature, dénonce assez bien ce passage de l'histoire Argentine, si vous avez le temps, ça vaut le détour.

Grands-mères de la place de Mai - "Où sont les centaines de bébés nés en captivités?"

C'est aussi dans ce contexte politique qu'a eu lieu la coupe du monde de football en 1978 en Argentine, dont les grands vainqueurs ont été... les Argentins ! Une belle manipulation de la part des militaires pour focaliser l'attention du pays et du monde entier sur cet événement sportif, et non sur ce qu'il se passait réellement dans le pays. Heureusement, il y avait quelques groupes assez lucide pour s'opposer à cet événement et lancer une campagne de boycott de la coupe du monde de 1978. Mais le football est tellement important aux yeux des Argentins qu'il était difficile de les convaincre de boycotter un tel événement... 
Tag disant "Derrière le football, les objets de torture" (dur à traduire le mot picana...)

La Dictature Militaire est donc un passé encore très présent dans l'esprit et la vie des Argentins. Des procès pour juger les chefs militaires sont encore en cours et d'autres n'ont même pas encore été ouverts. Toute cette histoire a laissé un plaie profonde dans le coeur des Argentins qui n'est pas encore prête à se refermer. 



Témoignages de survivants du camp de La Perla


"Nous vivions aves les yeux bandés et, au début, avec les mains attachées, menottés. Nous étions en permanence allongés sur des matelas de paille. Nous ne pouvions ni parler ni bouger. La Perla était en général remplie de séquestrés. Chacun de nous, malgré le peu de distance qui nous séparait les uns des autres, vivions complètement isolés. L'isolement produit la solitude, l'angoisse, l'anxiété. Les pensées positives disparaissent, celles qui permettent d'agir, de changer la situation actuelle. L'isolement faisait de nos geôliers nos seuls interlocuteurs, leur donnant ainsi encore plus de pouvoir." - Piero Di Monti

"Une fois j'ai trouvé, dans la salle des douches, un magazine en espagnol mais d'origine allemande, dans lequel il y avait une analyse scientifique des résultats psychiques obtenus si la torture psychique et physique étaient combinées. Il y avait un diagramme du cerveau, avec des cercles montrant les différentes zones psychiques, où l'on pouvait clairement voir les différentes étapes par laquelle passe la personne torturée. Il y avait une mention spéciale sur la nécessité de bander les yeux de la victime. C'était une étude des méthodes appliquées durant l'Allemagne Nazi." - Liliane Callizo

"Le matin suivant je fus de nouveau emmené dans les bureaux où, après m'avoir enlevé le bandeau que j'avais sur les yeux, un homme s'est présenté en me disant plus ou moins textuellement : "Bonjour ! Je m'appelle Luis et j'appartiens à la très glorieuse et invincible armée Argentine ! Tu n'es pas détenu ici légalement mais plutôt séquestré, disparu. Ici il n'y a pas d'avocat ni rien qui puisse t'aider ! Nous sommes maintenant les gardiens de ta vie." Il s'agissait de Luis Manzanelli, alias "Luis" ou "Piazze", le sergent adjoint de l'armée." - Héctor Kunzmann

"Un sujet de conversation récurrent entre les femmes était l'angoisse de ne pas connaître le sors de ses enfants. Mirta, durant tout le temps de sa séquestration, n'a pas quitté la photo de Bruno (son fils), qui était seul et abandonné. Avec Nelly (une autre détenue), elles avaient conçues un cadeau pour la fête des mères. Mirta avait réussi à voler du papier et des crayons dans les bureaux où on l'avait envoyé laver le sang des autres détenus torturés. Nelly avait écrit une carte pour chacune des détenues avec le nom de ses enfants et une phrase de réconfort."  - Mirta Iriondo

lundi 17 novembre 2014

Confessions intimes #1

Je n'ai pas été très présente ces derniers temps pour vous raconter mes aventures car c'était la période de partiel à l'université donc pas mal de boulot et plus trop de temps libre. Et puis le temps passe tellement vite que je n'ai même pas le temps de vous raconter ce qui m'arrive au fur et à mesure !

Bref on va donc revenir un bon mois en arrière, même plus, on va dire début octobre. Cette période là a été assez difficile pour moi car, après avoir passé la période d'excitation et de découverte de la ville, du pays, de la langue et de la culture, le temps de la nostalgie et de la désillusion est arrivé. J'ai passé deux bonnes semaines dans un état d'esprit plutôt négatif, à voir tous les mauvais côtés de l'Argentine et à regretter tous les bons côtés de ma chère France. Tout d'un coup je ne voyais plus le soleil et la bonne humeur des Argentins mais seulement les vols à répétition dans la rue et l'économie en chute libre, les transports en communs inefficaces et les queues à l'infini pour faire la moindre démarche administrative. Je regrettais cruellement mon lit en France, les bons petits plats de ma maman et ma vie à Lyon. J'avais aussi l'impression de ne plus progresser en espagnol, voir même de régresser et cela m'a fortement agacé pendant un moment. Je n'arrivais pas à m'adapter au rythme de vie de ma famille d'accueil. En tant qu'étudiante à l'étranger, les sorties le soir sont assez fréquentes et j'avais toujours l'impression de déranger ma famille en rentrant tard. La petite de 3 ans qui partage la chambre avec sa mère juste à côté de la mienne a également été un problème pour moi au début. Je n'arrivais pas à me faire à ses cris ou ses pleurs le matin, ni même les soirs en semaine quand elle se couche plus tard que moi (bon ça je n'ai toujours pas compris d'ailleurs). 

J'étais tout simplement en train de passer dans la phase d'adaptation, celle qui vient juste après la "lune de miel" quand tout est tout beau et tout rose. Plutôt difficile donc de trouver ses repères dans un pays, une villes, une famille et une culture qui n'est pas la sienne. C'est à ce moment là aussi que je me suis rapprochée des 3 françaises qui sont en échange dans la même université que moi. Sûrement car j'avais besoin d'un repère, de quelque chose de familier auquel me raccrocher pour me rassurer. Et ça a bien marché. On est devenues amies et, même si ça ne m'aide pas à parler espagnol, ça m'a beaucoup aidé pour trouver mes repères et me stabiliser dans cette nouvelle vie qui est aujourd'hui la mienne, en Argentine. 

Aujourd'hui, je me sens bien et je suis à l'aise dans ma famille. J'ai trouvé ces repères qui me manquait et j'arrive à profiter de chaque jours ici. J'arrive aussi à faire la part des choses, à réaliser que j'ai de la chance de vivre cette aventure mais aussi à voir à quel point le pays va mal comparé à la France. Aujourd'hui, je pleurs pour mes amies françaises qui, ne restant qu'un semestre, s'en vont dans quelques jours, mais je me réjouis en voyant les grandes vacances approcher à grand pas (oui je suis en vacances d'été de décembre à février) et ma mère qui va arriver mi-décembre. Je suis toute excitée à l'idée de voyager encore plus loin que les limites de l'Argentine et aussi de découvrir le nouveau groupe d'étudiants étrangers qui va arriver pour le deuxième semestre.

Cette année a apporté et apportera encore beaucoup de changements, et je sens que ça va énormément m'aider à grandir, à réfléchir et à voir les choses sous un autre angle. Je m'enrichis chaque jours de l'expérience que je vis ici et ça, je le dois à ma famille qui m'a soutenu et beaucoup aidé pour me permettre de venir en Argentine. Je ne pourrais jamais assez vous remercier pour ça...